Mary Alexandre dans une publicité Coca-Cola

Mary Alexander, première Afro-Américaine à figurer dans une publicité Coca‑Cola

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Journey brosse le portrait d’une personnalité d’exception, Mary Alexander, la première Afro-Américaine à avoir été choisie pour incarner la marque aux Etats-Unis en 1955.

07/03/2016

Mary Alexander fait partie de ces rares privilégiés, bien qu’elle ne l’ait jamais reconnu. Ce n’est pas forcément sa beauté ni la confiance qu’elle dégage qui la rendent si rayonnante - même si elle brille largement dans ces deux domaines - mais plutôt une sensation de bonheur et une aura d’optimisme qui font fi du temps, de l’âge et de l’expérience.

Mary rayonne. C’est sans doute la raison pour laquelle elle a été la première Afro-Américaine choisie comme modèle par Coca‑Cola en 1955. Demandez à Mary de se présenter, et elle vous dévoilera avec fierté ses nombreuses casquettes : épouse, mère de famille, grand-mère, ancienne institutrice et proviseur de lycée. « Nous étions mariés depuis trois ans quand j’ai réalisé que j’avais épousé un modèle pour Coca‑Cola », déclare Henry Alexander, son mari depuis trente ans. Affectueusement surnommée « Miss Mary » par certains, elle est la modestie incarnée. Si modeste, d’ailleurs, que Coca‑Cola n’a eu connaissance de l’identité de la jeune femme qui figurait dans ces publicités révolutionnaires que cinquante ans après leur parution

De Ballplay à Atlanta

Mary grandit dans une ferme à Ballplay, une petite localité du nord-est de l’Alabama. Issue d’une famille de 10 enfants, elle passe le plus clair de son temps à sarcler les champs sous la chaleur du Sud. « J’ai bu mon premier Coca‑Cola vers 7-8 ans, se souvient Mary. Après une longue journée de dur labeur à la ferme, c’était notre récompense. Nous avions droit à un Coca‑Cola bien frais. »

Elle est également la deuxième personne de sa famille à entrer à l’université. Le Clark College d’Atlanta. Au cours de sa première année, la surveillante du dortoir l’approche et lui explique que Coca‑Cola cherche à recruter des Afro-Américains pour une nouvelle campagne. Elle conseille à Mary de postuler. Elle qui n’a aucune expérience en tant que modèle, hésite puis accepte devant l’insistance du Doyen. Elle passe un entretien et est sélectionnée.

« J’ai été surprise d’être choisie, déclare-t-elle. Les autres postulantes venaient d’Atlanta et de New York ; moi, je n’étais qu’une simple fille de la campagne. »

Tandis que la nouvelle se répand sur le campus, l’enthousiasme de Mary tourne vite au malaise. Elle décrit sa première séance de photos comme « éprouvante ».

« Je suis rentrée dans ma chambre et j’ai un peu pleuré, se souvient-elle. J’avais peur de ne pas être à ma place. Mes parents étaient très stricts et je voulais m’assurer que cela ne les dérangeait pas. »

Lors de la parution des dernières publicités, en revanche, son humeur change.

« Nous en avons parlé à toute la famille et avons propagé la nouvelle sur tout le campus », explique Mary. C’était surréaliste… j’étais incroyablement heureuse. » Elle touche la somme de 600 dollars pour une quinzaine de publicités, de quoi payer les cours de l’université pendant une année complète.

Première Afro-Américaine directrice de l’enseignement professionnel du Michigan

Tandis que le visage de Mary inonde les journaux, les magazines, les affiches et les stations du métro de New York, elle s’éloigne de The Coca‑Cola Company. Les publicités ont marqué le début et la fin de sa carrière de modèle, même si son avenir allait être jalonné de nombreuses autres « premières fois ».

Après l’université, elle emménage à Detroit où elle obtient une maîtrise dans l’enseignement. En plein Mouvement des droits civiques, il est difficile pour une Afro-Américaine de trouver un emploi. Mais après avoir passé trois ans à envoyer des candidatures tout en travaillant comme secrétaire dans l’immobilier, Mary décroche un poste à Mount Clemons High School.

Le proviseur l’avertit que la population de l’école est essentiellement blanche, et qu’elle serait le premier professeur afro-américain. Mais cela ne perturbe aucunement Mary.

« Je lui ai demandé : "est-ce qu’ils ont tous du sang rouge qui coule dans leur veines ? " Il a répondu "Oui ", et j’ai dit "Alors cela ne me dérange pas ! " », se souvient Mary.

Elle quitte Mount Clemons au bout de trois ans pour enseigner à Highland Park High School, dont elle finit par devenir la première femme proviseur d’origine afro-américaine. Quelques années plus tard, elle est la première Afro-Américaine à être nommée directrice de l’enseignement professionnel pour l’État du Michigan.

« Sans l’intervention d’une de ses fans, nous n’aurions jamais appris son existence. »

Pendant ce temps, Mary n’avait toujours aucun contact avec Coca‑Cola. Elle est redécouverte par hasard, 52 ans après la première publication de ses publicités. La nièce de Mary ainsi qu’une de ses camarades de lycée regardent des photos anciennes lorsqu’elles tombent sur un visage familier. Elles prennent alors une photo d’une des publicités et contactent Coca‑Cola, expliquant à un opérateur du service client ce qu’elles venaient de découvrir.

Lorsque la demande arrive enfin au service des archives de la Compagnie, l’équipe pense qu’il s’agit d’un faux.

« Nous recevons en permanence ce type de demande, » explique Jamal Booker, Directeur Communication Patrimoine. « Nous avons un dossier entier de personnes qui prétendent être des modèles. »

Heureusement, Mary avait conservé une lettre personnelle de la Compagnie datant de l’époque où elle était modèle. Elle la faxe, et l’équipe s’empresse de la rappeler afin de vérifier ce que Mary savait déjà depuis le début.

« Cela faisait plus de trente ans que nous recevions des demandes de personnes déclarant avoir été des modèles. Or, Miss Mary était la seule à fournir une preuve, déclare Jamal Booker. Nous étions sous le choc. »

À peine quelques-mois plus tôt, l’une des publicités de Mary avait été choisie pour être exposée au World of Coca‑Cola. La Compagnie a convié Mary et son mari à Atlanta pour découvrir l’exposition et en savoir davantage sur une histoire qui avait failli rester dans l’ombre.

« Miss Mary reflète la confiance modeste de la marque Coca‑Cola, précise Jamal Booker. Elle ne mentionne que rarement, pour ne pas dire jamais, son rôle de pionnière dans l’univers de la publicité. Sans l’intervention d’une de ses fans, nous n’aurions jamais appris son existence. »

Coca‑Cola, qui a retenu la leçon, est régulièrement en contact avec Mary, aujourd’hui âgée de 78 ans. Retraitée et résidant à Ocala, en Floride, elle se rend régulièrement à Atlanta pour des conférences ou des manifestations.

Bien que touchée par l’attention dont elle fait l’objet, elle estime que ce n’est pas elle le plus important.

« J’espère avoir ouvert des portes. Posé des jalons pour que les gens puissent comprendre tout ce qu’il est possible de faire en dépit des obstacles, conclut Mary. C’est ce qui me rend le plus heureuse. »